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Hainons-nous les uns les autres

20 février 2006

Soyez les bienvenus

Soyez les bienvenus

Contrairement aux idées reçues, les idées reçues étant ici définies par un lot de préjugés aux origines absconses formant au final une pensée bancale facilement assimilable entre bipèdes d’un même clan, rapidement ressortie de dessous les fagots de neurones, contrairement donc à ces idées là, la haine est un sentiment tout à fait politiquement correct et présentable en société à condition, bien entendu, d’y mettre les formes.

Pour haïr en bonne compagnie il vous faudra avant tout apprivoiser la syntaxe verbale, la rhétorique deviendra votre meilleure amie, vous coucherez le lundi avec la démagogie, le mardi vous embrasserez l’hypocrisie, le mercredi vous rirez à en pleurer avant de dénoncer dès le jeudi la démagogie et l’hypocrisie. Le reste de la semaine sera consacré au repos, ou plus exactement à la quête lyrique, la mythique recherche de l’inspiration de tout artiste qui se respecte. Car attention, la haine est un art et comme tout art il faut aller chercher l’inspiration parmi la plèbe.

A quoi bon haïr me demanderez-vous puisque la paix nous tend la main ? Parce que justement sans la haine, la paix perd toute sa saveur. A quoi bon un paradis sans enfer ? La haine est le mécanisme principal de l’évolution humaine, mais nous en reparlerons peut-être plus longuement tout au long de blog infect, je vous l’accorde.

Toutefois, la haine ne s’invente pas. Il y a des règles établies et un débutant ne peut se lancer ainsi à haïr sans un minimum de préparatifs. En effet, la haine n’est pas sans risque et l’on peut à tout moment glisser dans l’extrême ou les idées reçues… Si vous aussi souhaitez haïr, alors soyez les bienvenus au club, sinon allez voir un autre blog, celui des amis de la très grande sérénité vous tend la main.

A ce point de mon texte je suis en droit d’espérer de vous que vous lisiez ces mots de votre propre volonté et que vous y preniez un minimum de plaisir. Dans le cas contraire, vous vous faites mal inutilement, vous cherchez les embrouilles, alors que vous défendez la paix, doux paradoxe, vous vous compliquez la vie, alors que vous étiez clairement prévenu des risques encourus, vous vous offusquez sottement, bref, tout ceci fait de vous un parfait abruti et me donne diablement raison.

Mais je peux égoïstement croire que nous ne sommes maintenant plus que deux, vous et moi, à parler, entre grandes personnes, de cette haine salvatrice, trop souvent étouffée par les pourfendeurs des choses du mal, cette haine quotidienne qui nous fait progresser pour ne pas, par exemple, devenir comme cet idiot là où cet imbécile ci.

Tout est effectivement haïssable. Depuis le premier jour de notre douloureuse naissance. Pensez à ce qu’aura enduré votre mère pour vêler un être aussi insignifiant, pensez à la belle de vie de couple que vos parents partageaient, frais tourtereaux jusqu’à ce qu’un braillard de quelques kilos se décide un jour à briser le calme de leurs nuits et l’égoïsme de leur couple. La naissance est déjà haïssable, machine à fric pour ces tenues hors de prix qui ne serviront qu’une fois, dans le meilleur des cas, pour ces accessoires indispensables qui ne quitteront jamais le troisième tiroir, pour ces sourires hypocrites de la famille venue accueillir la part de plus dans le découpage de l’héritage, pour ce patron qui vous félicitera en pleurant déjà les jours de congés qu’il vous donnera, pour vos collègues tous présents au pot, regrettant déjà d’avoir donné autant à un con comme vous, ce pétillant était en promotion. Depuis ce tableau peu glorieux, notre haine doit encore permettre de faire mieux et percer d’autres petits mécanismes infects qui polluent la blancheur des événements les plus banals. Par exemple : pourquoi est-ce que la naissance est-elle réductrice d’impôt ? Pourquoi fichtre l’état incite t’il, par l’argent, argent qu’il ne donne jamais sans y réfléchir à deux fois, ses administrés à copuler ainsi sans aucune retenue ? Prospérité, natalité, force économique, importations, exportations, la nation a besoin de vous, la nation a besoin d’être la plus forte de toutes les nations, la nation doit protéger ses administrés et pour cela elle a besoin d’administrés, de bras et de cerveaux productifs. Une nation est un tout petit club de privilégiés dont le nombre détermine le régime politique à l’aide d’une échelle graduée depuis la dictature à la démocratie, du plus petit nombre au plus grand nombre de privilégiés. Au final, la naissance est une grande loterie économico-génético-politique dont on nous expliquera plus tard qu’elle fait de nous des êtres tous égaux, voir conditions générales de vente.

Car il y a en effet une petite étoile à côté de la naissance, quelques lignes écrites en petit en bas de la page qui soulignent que bon d’accord on doit s’aimer, mais faudra quand même se battre un tout petit peu pour réussir dans la vie, bosser à l’école malgré les bagarres dans la cours de récré du collège qui accueille, laïcité oblige, une petite bande d’avantagés génétiques qui imposent leur loi, celle des gros bras, faudra aussi faire avec les revenus de la famille, ou de ce qu’il en reste, qui font parfois des fins de mois difficiles et des soupes à la grimace très loin des larges sourires du jour de la naissance, il faudra aussi se placer parmi les premiers aux concours en écrasant les autres, réussir les entretiens d’embauche en vantant vos atouts, ressembler à un acteur (ou une actrice) de cinéma pour draguer, mettre de l’argent de côté pour les invités du jour du mariage, pour la maison, la mieux placée possible, le futur bébé, ses couches, sa console de jeu et ses interminables études, le futur divorce, la pension alimentaire, votre retraire et votre enterrement, pensez dès aujourd’hui à réserver votre emplacement avant votre voisin, les meilleurs places partent vite.

Gentilles lectrices, gentils lecteurs, ouvrons les yeux, ce monde est génialement pourri. Hainons-nous les uns les autres.


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