Soyez les bienvenus
Contrairement aux idées reçues, les idées reçues étant
ici définies par un lot de préjugés aux origines absconses formant au
final une pensée bancale facilement assimilable entre bipèdes d’un même
clan, rapidement ressortie de dessous les fagots de neurones,
contrairement donc à ces idées là, la haine est un sentiment tout à
fait politiquement correct et présentable en société à condition, bien
entendu, d’y mettre les formes.
Pour haïr
en bonne compagnie il vous faudra avant tout apprivoiser la syntaxe
verbale, la rhétorique deviendra votre meilleure amie, vous coucherez
le lundi avec la démagogie, le mardi vous embrasserez l’hypocrisie, le
mercredi vous rirez à en pleurer avant de dénoncer dès le jeudi la
démagogie et l’hypocrisie. Le reste de la semaine sera consacré au
repos, ou plus exactement à la quête lyrique, la mythique recherche de
l’inspiration de tout artiste qui se respecte. Car attention, la haine
est un art et comme tout art il faut aller chercher l’inspiration parmi
la plèbe.
A quoi bon haïr me
demanderez-vous puisque la paix nous tend la main ? Parce que justement
sans la haine, la paix perd toute sa saveur. A quoi bon un paradis sans
enfer ? La haine est le mécanisme principal de l’évolution humaine,
mais nous en reparlerons peut-être plus longuement tout au long de blog
infect, je vous l’accorde.
Toutefois, la
haine ne s’invente pas. Il y a des règles établies et un débutant ne
peut se lancer ainsi à haïr sans un minimum de préparatifs. En effet,
la haine n’est pas sans risque et l’on peut à tout moment glisser dans
l’extrême ou les idées reçues… Si vous aussi souhaitez haïr, alors
soyez les bienvenus au club, sinon allez voir un autre blog, celui des
amis de la très grande sérénité vous tend la main.
A
ce point de mon texte je suis en droit d’espérer de vous que vous
lisiez ces mots de votre propre volonté et que vous y preniez un
minimum de plaisir. Dans le cas contraire, vous vous faites mal
inutilement, vous cherchez les embrouilles, alors que vous défendez la
paix, doux paradoxe, vous vous compliquez la vie, alors que vous étiez
clairement prévenu des risques encourus, vous vous offusquez sottement,
bref, tout ceci fait de vous un parfait abruti et me donne diablement
raison.
Mais je peux égoïstement croire
que nous ne sommes maintenant plus que deux, vous et moi, à parler,
entre grandes personnes, de cette haine salvatrice, trop souvent
étouffée par les pourfendeurs des choses du mal, cette haine
quotidienne qui nous fait progresser pour ne pas, par exemple, devenir
comme cet idiot là où cet imbécile ci.
Tout
est effectivement haïssable. Depuis le premier jour de notre
douloureuse naissance. Pensez à ce qu’aura enduré votre mère pour vêler
un être aussi insignifiant, pensez à la belle de vie de couple que vos
parents partageaient, frais tourtereaux jusqu’à ce qu’un braillard de
quelques kilos se décide un jour à briser le calme de leurs nuits et
l’égoïsme de leur couple. La naissance est déjà haïssable, machine à
fric pour ces tenues hors de prix qui ne serviront qu’une fois, dans le
meilleur des cas, pour ces accessoires indispensables qui ne quitteront
jamais le troisième tiroir, pour ces sourires hypocrites de la famille
venue accueillir la part de plus dans le découpage de l’héritage, pour
ce patron qui vous félicitera en pleurant déjà les jours de congés
qu’il vous donnera, pour vos collègues tous présents au pot, regrettant
déjà d’avoir donné autant à un con comme vous, ce pétillant était en
promotion. Depuis ce tableau peu glorieux, notre haine doit encore
permettre de faire mieux et percer d’autres petits mécanismes infects
qui polluent la blancheur des événements les plus banals. Par exemple :
pourquoi est-ce que la naissance est-elle réductrice d’impôt ? Pourquoi
fichtre l’état incite t’il, par l’argent, argent qu’il ne donne jamais
sans y réfléchir à deux fois, ses administrés à copuler ainsi sans
aucune retenue ? Prospérité, natalité, force économique, importations,
exportations, la nation a besoin de vous, la nation a besoin d’être la
plus forte de toutes les nations, la nation doit protéger ses
administrés et pour cela elle a besoin d’administrés, de bras et de
cerveaux productifs. Une nation est un tout petit club de privilégiés
dont le nombre détermine le régime politique à l’aide d’une échelle
graduée depuis la dictature à la démocratie, du plus petit nombre au
plus grand nombre de privilégiés. Au final, la naissance est une grande
loterie économico-génético-politique dont on nous expliquera plus tard
qu’elle fait de nous des êtres tous égaux, voir conditions générales de
vente.
Car il y a en effet une petite
étoile à côté de la naissance, quelques lignes écrites en petit en bas
de la page qui soulignent que bon d’accord on doit s’aimer, mais faudra
quand même se battre un tout petit peu pour réussir dans la vie, bosser
à l’école malgré les bagarres dans la cours de récré du collège qui
accueille, laïcité oblige, une petite bande d’avantagés génétiques qui
imposent leur loi, celle des gros bras, faudra aussi faire avec les
revenus de la famille, ou de ce qu’il en reste, qui font parfois des
fins de mois difficiles et des soupes à la grimace très loin des larges
sourires du jour de la naissance, il faudra aussi se placer parmi les
premiers aux concours en écrasant les autres, réussir les entretiens
d’embauche en vantant vos atouts, ressembler à un acteur (ou une
actrice) de cinéma pour draguer, mettre de l’argent de côté pour les
invités du jour du mariage, pour la maison, la mieux placée possible,
le futur bébé, ses couches, sa console de jeu et ses interminables
études, le futur divorce, la pension alimentaire, votre retraire et
votre enterrement, pensez dès aujourd’hui à réserver votre emplacement
avant votre voisin, les meilleurs places partent vite.
Gentilles lectrices, gentils lecteurs, ouvrons les yeux, ce monde est génialement pourri. Hainons-nous les uns les autres.